Ginny Soskey

Amandine Buchard
La petite légère de Noisy a créé la sensation en remportant, à seulement 17 ans, le titre national à Montpellier. Le 9 février, elle participera à son premier Tournoi de Paris. Portrait d'un athlète attachante qui ne vit que pour le judo depuis la disparition de son père en 2008.
Amandine Buchard, à l'Insep en janvier 2013. (Photo : Florent Bouteiller)
Pas de bonnet, pas d'écharpe. Rien. Météo France annonce de la neige ce soir, mais elle s'en fiche comme de son premier kimono. Short, petites baskets et fine veste en coton, elle trottine tranquillement jusqu'à la cafétéria de l'Insep où la rejoint un journaliste frigorifié. A la remarque du gratte papier (Mais tu es folle?), Amandine Buchard esquisse un sourire et balance: Et encore, d'habitude, je suis en tongs. Réflexion faite, elle a vraiment un blème cette petite. Dire qu'elle est un des plus grands espoirs du judo C'est bon, je ne suis pas Teddy Riner non plus, répond elle. sac hiver
Avec Teddy Riner, Amandine Buchard n'a effectivement aucun point commun sinon la précocité. A dire vrai, tout les oppose, à commencer par le sexe, ce qui fait tout de même une sacrée différence. Visage de poupon, cheveux crépus tirés en arrière et sweat moulant qui laisse entrevoir ses petits biscottos. Non, décidément, du haut de son 1,58 m, la native de Noisy le Sec n'a rien à voir avec le colosse guadeloupéen (2,04 m). Elle a 17 ans et de belles dents blanches, comme son aîné. A ce stade de l'existence, le champion olympique des lourds à Londres avait déjà un titre de champion du monde senior dans sa besace entre autres titres européen et mondial junior. Rien de comparable donc. Amandine Buchard n'affiche à son palmarès que deux titres de championne de France junior et cadette, obtenus en 2010 et 2011. Et un titre national senior chez les 48 kg, qu'elle a conquis avec panache le 24 novembre 2012 à Montpellier. En cela, elle devance donc Teddy Riner qui a dû attendre 18 ans pour s'emparer du titre national chez les lourds à Toulon en 2008. vente chaussure pas cher
Chez les surdoués, on se démarque comme on peut. Maigre satisfaction, certes, qui mérite d'être notée et qu'Amandine Buchard écarte pourtant d'un revers de la main. Car son idole, le seul modèle qui vaille pour elle, c'est Lucie Décosse. A l'idée d'avoir un palmarès aussi fourni que la championne olympique (et triple championne du monde), ses pupilles se mettent à scintiller. Egaler le génie de Décosse en matière de judo n'est pas une mince affaire. Mais à lire la détermination dans son regard, on se plaît à penser qu'elle parviendra, elle aussi, à trouver un fauteuil au Panthéon du judo, où règne en taulière la petite Japonaise Ryoko Tamura Tani, la judoka la plus titrée de l'histoire avec ses deux titres olympiques et ses sept victoires mondiales. Pour l'instant, chaque chose en son temps. Je n'ai encore rien fait, refreine Amandine Buchard avec un petit sourire en coin comme pour mieux nous mettre en appétit.
Amandine Buchard est née le 12 juillet 1995. Depuis qu'elle a intégré l'Insep, en septembre 2012, toutes ses copines la narguent sur son jeune âge. Au premier rang desquelles figure Clarisse Agbegnenou, championne de France en titre des 63 kg qui ne tarit pas déloge sur sa pouliche. Souvenez vous de ce nom: Amandine Buchard. Elle va tout péter et ça va bientôt exploser, prévenait la dauphine de Gévrise Emane fin octobre. Un mois plus tard, on en avait la confirmation avec le titre national remporté chez les légères à Montpellier: Bubûche avait allumé les gaz! Clarisse me suit depuis un petit moment maintenant, admet l'auteur du putsch. A l'entraînement, elle voit que je fais beaucoup tomber, même des plus lourdes que moi. Alors elle se dit que j'ai du potentiel.
Du potentiel, les entraîneurs en ont décelé dès qu'elle a commencé le judo, à l'âge de 6 ans. Mon premier professeur était Jean Mouette. A partir de minime, j'ai eu sa fille Cathy, grande arbitre au niveau international, raconte la sociétaire du Judo club noiséen. Comme elle l'avoue, avoir une sommité de l'arbitrage comme professeur lui a apporté un plus dans sa progression. C'est d'ailleurs à cette période qu'elle commence à percer. Pendant plusieurs saisons, j'ai été invaincue. Je n'ai jamais trop eu l'habitude de perdre. D'ailleurs, je n'aime pas ça, tranche t elle comme si sa conviction ne souffrait aucune contestation.
En sondant ses grands yeux noirs qu'égaye son sourire permanent, on croit déceler une faille. Car la chose est assez rare pour être relevée. A 17 ans, avoir une telle maturité relève du tour de force. Du côté de la famille, elle ne dira pas grand chose, sinon qu'elle a déserté le cocon depuis pas longtemps pour le confort sommaire de l'Institut national du sport et de l'éducation physique (Insep). Jusqu'à il y a peu, elle vivait avec sa mère et sa sur. Mais avec cette dernière, les rapports ne sont pas au beau fixe. On n'a rien commun. Elle est très coquette; moi je suis plutôt garçon manqué. C'est parfois difficile de se comprendre.
De son père, elle nous dit qu'il est décédé en 2008. Il m'a toujours suivie. Il pensait que je serai une grande championne. Je lui dois tout, explique t elle. En me voyant, ça lui a donné envie de faire du judo et après un an de pratique, il s'est mis à la compétition. Je me souviendrais toujours de ce jour là. Il s'est fait une entorse et il a voulu continuer à combattre. Je lui ai dit qu'il fallait mieux arrêter mais il ne voulait rien lâcher. Quelques mois plus tard, sa blessure s'est infectée et il est mort d'une embolie pulmonaire. Depuis, elle ne pense, ne vit que pour le judo quand d'autres, dans de pareilles circonstances, auraient jeté l'éponge. Ce qui a le don, parfois d'énerver sa mère. Elle me le reproche de temps à autre. Elle me dit: Regarde ce qui est arrivé à ton père. Mais je sais bien qu'elle dit ça sous le coup de la colère. Au fond, elle est heureuse pour moi, commente sobrement Amandine Buchard. Parfois, la petite légère a des regrets par rapport à cette histoire d'entorse. Oui, elle aurait peut être dû s'imposer plus et empêcher son père d'aller plus loin. Mais avec des si, le monde ne serait pas ce qu'il est: un sac de nuds qu'on passe toute sa vie à démêler. Alors plutôt que de nourrir d'éternels regrets, elle fait les choses pour lui, sans jamais s'en plaindre ni faire pleurer. De là vient sa motivation.
Chez les grandes, on s'inquiète de la montée en puissance de cette petite junior qui est venue flanquer un grand coup de pied dans la fourmilière des 48 kg à Montpellier. Imaginez la tête des lourds français quand Teddy Riner a dressé le bout de son nez en 2006. Vous enlevez quelques tonnes de moins et vous obtenez le visage aujourd'hui déconfit des légères. Dès le second tour, elle sortait Climence Aurore, une habituée des podiums nationaux, pour remporter haut la main le titre national. C'est vrai que tout s'est bien passé pour moi ce jour là. J'avais les crocs. Un mois avant, j'avais foiré les Europe junior. En huitièmes de finale, je me fais voler à la décision et je ne suis pas repêchée. C'était frustrant car toute la saison, j'ai été première à la ranking list. Le pire, c'était de voir toutes les filles que j'avais l'habitude de battre sur le podium, s'énerve Amandine Buchard. Franchement, j'en ai pleuré.
Depuis, elle eu le temps de sécher ses larmes. Car samedi 9 février, elle entrera dans l'arène du Palais omnisports de Bercy pour tenter de remporter le Tournoi de Paris, le plus prestigieux que tous les judokas du monde rêvent de gagner une fois dans leur carrière. Pour moi, c'est une étape importante, poursuit Amandine Buchard. Je voulais absolument y participer et c'est pour ça que j'ai tout donné pour décrocher les France. Si je gagne, mon leadership ne sera plus discutable. Quand on est jeune comme moi, il faut redoubler d'efforts pour marquer l'esprit des entraîneurs. La chose étant faite depuis peu, elle compte poursuivre sur sa lancée. Car la place de numéro 1 en équipe de France s'obtient grâce à des résultats au niveau international. Et elle en est consciente. Objectif affiché désormais: obtenir son ticket pour les Mondiaux qui se dérouleront à Rio de Janeiro (Brésil) en août et disputer les JO au Brésil en 2016.
On présente parfois Amandine Buchard comme un Ovni venu de nulle part. Disons le d'emblée, ceci est faux. Déjà début 2012, lorsque Frédérique Jossinet et Laetitia Payet se tiraient la bourre pour arracher leur ticket pour Londres, La Bûche mettait tout le monde d'accord. Lors d'un match test, elle infligeait un yuko au Golden score sur la première et plantait la seconde sur son kata guruma dont elle a le secret. Pas d'enjeux, certes, mais les entraîneurs voulaient se donner une petite idée du petit bijou qu'ils avaient entre les mains. Ils ont vu. Pas étonnant alors que dans ces circonstances, la belle soit courtisée. Sur sa main, elle égrène les propositions une à une. Toutes aussi alléchantes. Villemomble, Champigny, Orléans, Levallois, énumère t elle. Et dans ce lot d'écuries, c'est Champigny qui semble tenir la corde. La personnalité d'Audrey La Rizza, l'entraîneur, y est, semble t il, pour beaucoup.
Côté judo, Amandine Buchard est, une fois de plus, atypique. Son kata guruma enroulé en a surpris plus d'une, en a ébloui plus d'un. Cette botte secrète, elle avoue ne jamais la travailler à l'entraînement. Il y a parfois de ces inspirations fulgurantes chez les génies. Voyez le yoko tomoe nage d'un Ugo Legrand, c'est du même topo. Quand j'étais au pôle de Brétigny, je voyais les garçons le faire. a m'impressionnait, mais je n'y arrivais jamais, raconte l'intéressée. Et puis un jour, en finale d'un tournoi, il est sorti tout seul. Voilà pour son spécial qu'elle trouve elle même bizarre. Dans une veine plus classique, on lui prête un beau uchi mata, des sode et un o soto gari en reprise de garde dévastateur. Car oui effectivement, Amandine Buchard aime les judos buf à la Ilias Iliadis. Et pour parfaire ses gammes, elle passe de longues soirées sur Internet à regarder les compilations de ippons plutôt que de bûcher ses cours de 1ère ES. Drôle d'activité quand on sait que le bâtiment des mineurs, à l'Insep, est dépourvu de wifi après 23 heures. Pas folle, Bubuche à réussi à investir une chambre située à deux pas du bâtiment des adultes où le flux tourne à plein régime. Repue de mouvements d'anthologie des maîtres Koga, Dimitru, Tamura ou Jeon, elle s'endort avec l'espoir d'intégrer un jour cette pléiade d'artistes que domine Lucie Décosse. Quitte à partir sur des traces, mieux vaut choisir les plus illustres. Gagner le Tournoi de Paris dès cette année serait un bon indicateur. La Guyanaise l'avait remporté dès sa première participation en 2001. Il est aussi éditeur et a réalisé quelques critiques littéraires au Monde des livres. Depuis septembre 2012, il est rattaché au service des sports où il écrit principalement sur les sports de combat. Editeur Web, il réalise aussi des vidéos sur différents sports. Passionné de photos, il prend des clichés (en noir et blanc) pour son blog.
L'idée de ce blog est née au lendemain des championnats du monde en août 2011 à Paris. Quand on parle du judo, on évoque Teddy Riner, à juste titre, mais quelle place accorder aux autres judokas qui s'entraînent tout autant ? Gévrise Emane, Ugo Legrand, Lucie Décosse sont des champions hors normes eux aussi. Il convient de les honorer comme il se doit. Tout comme le karaté, la boxe ou l'aïkido qui méritent bien plus qu'une simple brève dans un canard, fut il de référence. Parce que les sports de combat opposent des hommes dans les faits, mais que dans la réalité, ils les rapprochent. Ce sont ces histoires que nous racontons sur ce blog. Et nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j'ai de bonheur à le réaliser.

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