Ginny Soskey

le triangle du
De l'autre côté du boulevard périphérique, les lumières de la capitale scintillent dans la nuit. Paris, si près. Paris, si loin. C'est un soir de novembre, à Saint Denis, un soir de semaine comme les autres.
Rue de la République, tranchée piétonne qui traverse le centre ville, un type sous crack, un "cracker", pique sa crise au milieu des passants. Il hurle sous sa casquette posée à l'envers, gesticule dans son pull trop large, menace de faire la peau à un groupe de jeunes postés à l'angle du boulevard Jules Guesde. Ils se sont moqués de sa copine, qui, la nuit, se vend pour un demi "caillou" (dose de crack). "Je vais faire la Une du Parisien, moi, demain !" éructe t il, en pleine défonce. Autour de lui, dans la rue bondée, la vie continue.
Les mères de famille remplissent leurs cabas, les cadres en pardessus pressent le pas vers la gare du RER. Une voiture garée en double file dans une rue du XVIe arrondissement susciterait plus d'émoi.
Au pied de l'église Saint Denys de l'Estrée, une jeune femme a le portable vissé à l'oreille. Le ton monte. "C'est pas parce que j'habite à Saint Denis que je suis une merde!" lâche t elle, avant de raccrocher. La sale réputation. Encore et toujours. La ville totem du 93 en souffre comme d'une maladie honteuse. Saint Denis, sa basilique, son marché, ses racailles.
Les années passent et rien ne change, si l'on en croit les statistiques publiées par L'Express, où la cité de Grand Corps malade et du Stade de France collectionne les podiums.
La ville paie le tribut de son ébullition démographiqueDidier Paillard, le maire (communiste), ne nie pas les difficultés endémiques de sa commune face aux questions de "tranquillité publique", selon le doux euphémisme en vigueur sous les ors de l'hôtel de ville. Il tient juste à recadrer le tableau. Si Saint Denis explose les statistiques, ce n'est pas, non plus, le triangle des Bermudes dans un océan de félicité.
La ville aimante tous les problèmes de délinquance présents dans le département et paie, ici, le tribut de son ébullition économique et démographique. "C'est une ville chantier.", explique t il. Les stations de tramway poussent au coin de chaque rue, la gare du RER est, aujourd'hui, la troisième plus fréquentée d'Ile de France et les sièges d'entreprise s'agglutinent dans le quartier de la Plaine, nonobstant son image de coupe gorge.
"En quinze ans, la ville a créé 40 000 emplois et a accueilli 20 000 habitants supplémentaires", insiste le maire. Dans le même temps, les effectifs du commissariat n'ont pas varié d'un iota : 290 policiers, comme en 1998, malgré le classement en "zone de sécurité prioritaire" du centre ville et du quartier Romain Rolland.
Une dizaine de fonctionnaires viennent même d'être affectés à Marseille sans être remplacés ah ! Marseille et ses règlements de comptes à la kalachnikov. alors que Saint Denis connaît, de son côté, des taux de criminalité deux fois supérieurs à la moyenne française.
De 18h à minuit, une dizaine de médiateurs sillonnent la ville Quand il n'écrit pas à Manuel Valls pour réclamer des policiers supplémentaires, Didier Paillard écope à la petite cuillère le flot têtu des incivilités et des agressions qui noie ses concitoyens dans la crainte et l'amertume.
Depuis deux ans, une dizaine de médiateurs de nuit sillonnent la ville, de 18 heures à minuit, avec pour mission de discuter avec les jeunes, d'apaiser les conflits, de recueillir les doléances des riverains, de retisser du lien social, comme l'on dit dans la capitale. grand sac cuir
Ils ont la trentaine, viennent des cités de Saint Denis ou d'ailleurs, s'appellent Larbi, Lamine, Fred ou Linda, et il arrive même que leur travail de Sisyphe porte ses fruits. Le type sous crack, tout à l'heure, c'est Lamine qui l'a dissuadé de régler ses comptes. Un quart d'heure de discussion pour le faire redescendre sur terre. Provisoirement.
Sur les coups de 23 heures, on le recroisera, avec d'autres toxicos, du côté de la gare du RER D, la pommette tuméfiée. Une histoire de famille, cette fois : "C'est mon frère qui m'a mis une patate pour me remettre le cerveau à l'endroit."
Avant que Saint Denis s'enfonce dans la nuit, et n'appartienne plus qu'aux zonards et aux policiers, ils avaient déjà eu mille occasions d'exercer leur sacerdoce. En passant devant la poste, Larbi a proposé à la directrice d'assurer la fermeture du bureau en se posant devant la grille et en éconduisant gentiment les retardataires.
Elle n'a pas dit non. "Au moins, ce soir, mes receveurs ne se feront pas cracher à la figure." Ensuite, Linda, Sélassié et les autres ont essayé de ramener à la raison les gamins à scooter qui roulent en pétaradant à tombeau ouvert dans la rue piétonne, sans lumière, sans casque, comme à Naples. Peine perdue. Mais, à part eux, qui prend encore cette peine là ?
C'est à ce moment là que Larbi a reçu une alerte sur son portable. Une bagarre à la sortie du supermarché qui jouxte la station de métro Saint Denis Basilique, en plein centre ville. Deux vigiles à l'hôpital. Et les responsables du magasin sur les nerfs : "Ces petits cons, c'est les mêmes qui vont revenir dans deux mois avec un CV à la main, ?Ouallah, j'ai changé, m'sieur, j'voudrais bosser?"
Ils sont là, juste en face du supermarché, accoudés à la coursive d'un immeuble posé sur la dalle comme un cube de béton. Survêt, capuches. Lamine et Larbi, les deux médiateurs, grimpent jusqu'à eux. Des ados. De 1,90 mètre, mais des ados. Leur version : deux "petits" s'apprêtaient à passer à la caisse avec des CD volés. Ils les ont vus, leur ont dit qu'ils étaient grillés par la vidéo.
Trop tard. Les vigiles ont alpagué tout le monde. Eux ne se sont pas laissés faire. Après, tout est normal. "Je suis remonté chez moi, j'ai pris un extincteur et je les ai lavés, ces fils de pute", dit un jeune encapuchonné. Traduction : il a gazé les vigiles avec une bombe lacrymogène. "Tu as envie de passer Noël à Fleury, toi !" lâche un médiateur, dépité.
Ainsi va la vie, cahin chaos, la nuit, à Saint Denis. Un peu plus loin, un peu plus tard, Lamine accoste un groupe de cinq Blacks, assis sur un banc public, canettes de bière XXL à la main. Présentations avec le géant de la bande, 120 kilos sous sa casquette de base ball, Ray Ban sur le nez en pleine nuit. "C'est un tatoueur des puces de Saint Ouen, si je le revois demain, je lui demanderai ce qu'il vient faire là avec ses potes. sac main "
Un "couvre feu" imposé pour l'alcoolL'alcool et la came, les deux plaies du secteur 4, celui de la gare du RER, depuis que les crackers ont été délogés de la place Stalingrad, à Paris. Les descentes de police et le "couvre feu" imposé par le maire de Saint Denis aux 70 commerces qui vendaient illégalement de l'alcool ont clairsemé les rangs.
Mais sous les lampadaires, ils sont encore quelques dizaines à errer comme des ombres près de la voie ferrée. Des cadavres qui marchent. Rue Ernest Renan, deux jeunes femmes racontent qu'elles se sont fait voler leurs sacs à main. Il est presque minuit. Elles attendent qu'un ami vienne les chercher en voiture. Pour partir loin d'ici. A Paris.
Les entreprises se sont installées à Saint Dénis en raison des avantages financiers accordés. La gare RER est l'une des plus fréquentée car les cadres et employés qui travaillent dans les bureaux ne résident pas sur place. Un membre de ma famille y travaille et préfère faire plusieurs heures de transport par jour. J'en retiens la forte poussée démographique mais aussi la gare du RER qui estla troisième gare la plus fréquentée de l'Ile de France. En quinze ans, 40 000 emplois crées. Pas mal pour ce département. Des entreprises s'installent. C'est ainsi que ce département sera sauvé, par l'emploi, le travail. La délinquance comme dans les quartiers nord de Marseille est du au chômage, à la facilité de l'argent gagné en dealant. Et ce cri d'une jeune femme:"ce n'est pas parce que j'habite à Saint Denis que je suis une merde"!! Cette jeune femme ne sait sans doute pas que s'élève à Saint Denis la basilique des ROIS de France. Cette jeune femme est plutôt en bonne compagnie. J'ai visité il y a 15 ans la basilique, restaurée, à l'architecture gothique magnifique mais mal mise en valeur car noyée dans les maisons. Je ne sais ce qu'il en est aujourd'hui. Saint Denis n'est pas seulement une banlieue à la mauvaise réputation, elle est un lieu d'histoire. La présence de nouvelles entreprises et de cadres ne résidant pas dans le 9 3 va peut être faire bouger les choses. Le jour où ces cadres s'installeront à Saint Denis, créant de la mixité sociale sera un grand pas. Il y a pour le maire de Saint Denis et les députés du 9 3 un pari à gagner.

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