Ginny Soskey

Histoires d'avril
C'était la même rue un passage en l'occurrence si tu veux les détails et ça je le savais déjà. Et puis en levant le nez devant la porte en question j'ai réalisé que c'était le même immeuble. Je m'en suis un peu voulu de ne pas avoir fait le rapprochement avec le numéro.
Un beau jour de l'été 2008 (quasi sûr qu'il faisait beau. Mais si), je vivais encore à Mouetteland et j'avais franchi pour la première fois la porte de cet immeuble à la suite d'une rencontre si peu probable que les scénaristes de Plus Belle La Vie n'auraient pas osé l'écrire :
" Et si on disait qu'il le reconnaitrait à la terrasse d'un café à l'autre bout de la France à partir de la demi photo qui est en ligne sur son blog et qu'après il le contacterait, mais trois mois plus tard seulement, et qu'ils se mettraient ensuite en couple ? Et que l'un des deux serait en fait parisien ? Pas mal, nan ?
Ouais t'es mignon Jean Pierre. Va prendre tes gouttes."
Et donc je suis là un peu connement devant cette porte à souffler pour réchauffer mes mains en attendant le message porteur du précieux digicode. C'est bête d'ailleurs, je crois presque pouvoir me rappeler celui d'il y a cinq ans. Je ne sais pas si chaque porte émet un son qui lui est vraiment propre lorsqu'on la pousse ou si j'exagère la sensation mais c'est comme ouvrir à nouveau les volets d'une maison de campagne que l'on retrouve des années après. La surprise de découvrir un endroit connu. Ah mais oui c'était comme ça, la petite marche, la lumière pas vraiment punchy.
A l'époque je fréquentais le cinquième étage. Je suis attendu cette fois au troisième. La cage d'escalier est toujours aussi glauque, mais elle a le charme de mes souvenirs un peu naïfs de l'époque. J'ai presque la conviction de reconnaitre le bruit des marches sous mes pieds, l'illusion de l'odeur de son appartement, le souvenir d'un verre de vin entre mes mains lorsqu'il terminait ses cigarettes à la fenêtre. Hélas je gravis trop vite les escaliers et me voici au troisième, devant le même genre de couloir un peu étroit. La porte de l'appartement s'ouvre avant que je n'ai le temps de projeter tout ce à quoi j'aimerais penser.
Quelques temps plus tard je sors à nouveau, je me remets à dévaler ces escaliers familiers un peu vite comme il y a cinq ans et pour faire comme si. Comme si j'allais encore remonter ces mêmes marches (avec lui ?) les bras chargés de sacs de courses. Pour jouer à me mentir quelques secondes.
La pluie frappe au carreau avec une force inhabituelle. Une petite ruse trouvée en s'aidant d'un vent complice il est déjà novembre. Tapis sans doute pas très loin dans l'ombre de l'oreiller, veillant à la façon d'une fée pas si bienveillante, quelques petits démons rodent peut être.
L'immeuble date des environs de 1850. En tout cas c'est ce que m'ont dit les voisins un soir où je les écoutais benoitement. J'avais probablement dû lever les sourcils en dessinant un joli O avec ma bouche, n'ayant aucune autre source d'information. L'hypothèse m'a paru plausible, appuyée par la qualité si relative du parquet. Je n'irai pas jusqu'à prétendre que mon parquet aurait pu assister aux aventures d'Adèle Blanc Sec, mais . oh et puis après tout. Je tapote sur mon clavier à la lueur de deux bougies que j'ai animées grâce à mon avant dernière allumette j'rai bien craquer la toute dernière au milieu de la rue pour la beauté du récit, mais il pleut.
Je me demande souvent ce qu'a pu abriter ma chambre dans ses autres vies. Avant de devenir le repère de gens plutôt aisés qu'il est aujourd'hui, le quartier a longtemps servi de dortoir à des populations d'ouvriers et d'artisans de Paris, que j'imagine levés continuellement bien avant le soleil dans le froid d'hivers aussi cruels qu'éternels. Vidocq est mort à moins de cinq minutes à pied d'ici, en 1857. Mon appartement existait donc vraisemblablement déjà, l'imaginaire ne peut pas en rester indemne. Occupé donc par tant de propriétaires et surtout locataires successifs, combien de rideaux posés sur la fenêtre avant le mien, combien de lits, de couples, de bougies presque renversées. à quoi pouvaient ressembler les premières ampoules ? le premier poste de télévision ?
C'est tout un contingent au potentiel illimité de disputes, d'ambitions, d'étreintes, de cauchemars qui vient chatouiller les méninges. Et aussi, des décès, avec tout le cortège de complaintes et de souffrances qu'on ose envisager avec l'esquisse d'une grimace.
Alors, peut être le long des parois y a t il un petit quelque chose, un souffle, un reste de passion, un chuchotement au moins. Un quelque chose qui fait danser les flammes des bougies parce qu'on a du mal à se convaincre qu'il ne resterait rien. Comment toutes ces existences pourraient elles être restées stériles ? Et peut être me regarde t on dans mon sommeil avec une moue douteuse sur le maillon que je suis dans l'histoire de ces deux pièces. L'idée prend brutalement l'allure d'une obsession et des doigts se posent presque sur le rebord de la couette, attendant que je trouve ledit sommeil pour guider mes songes nocturnes dans une direction ou une autre, la quiétude ou la tourmente. Les murs restent muets. Les menaces les plus glaçantes sont peut être les plus sourdes.
Je guette pourtant avec presque un air de défi un bruit qui serait l'imitation habile d'un froissement, une alerte, un dessin dans les ombres. L'idée qu'il n'y aurait rien serait rassurante. Un peu décevante, aussi. Inconcevable ?
Les flammes dansent toujours. La pluie a cessé.
Cause in the dark, there's monsters, they cry alone
La Lune avait allumé son disque quasi complet, scrutant ce début de soirée paisible. A quelques encablures du centre ville, le parc avait fini par retrouver son silence nocturne. Plus un visiteur, plus un mouvement, plus . rien.
La lumière ressemble de façon troublante à celle d'une scène de bande dessinée qui se déroulerait la nuit. Et pour cause, les douze coups de minuit approchent dangereusement en ce soir d'octobre. On a rarement vu un pareil ciel obscur, aussi dégagé que la Lune semble pleine. L'ambiance du parc porte un délicieux parfum d'aventure. Une enquête ? un délit ? un secret ? une étreinte ? Comment pourrait on croire qu'il ne va rien se passer d'un peu sulfureux, à la hauteur d'un petit roman qui débuterait une douce nuit d'octobre, tout près de la Maine ? Sur le parking une voiture gisait seule (abandonnée ?) lorsqu'elle fut rejointe par une autre à la conduite joyeusement pimpante. Deux silhouettes nuancées de gris (sur gris) en descendent, semblent échanger quelques mots puis se dirigent à une allure soutenue vers les profondeurs du parc.
Sur son perchoir la Lune doit probablement froncer un peu les sourcils pour y voir plus clair. Les silhouettes se glissent d'arbres en arbres, prenant une sorte de petit plaisir à vouloir se c. mais oui ! La Lune y voit vraiment clair, les deux promeneurs se cachent. annuaire chaussures Que font donc deux promeneurs à cette heure indue où le parc est dévolu aux oiseaux assoupis, aux chimères ou aux murmures de lutins ?
Ce parc est une petite collection de scènes juxtaposées les unes aux autres, après les allées de vivaces et le ruisseau, un troupeau de chênes d'un côté, des décors de pierres savamment agencées de l'autre, qui, avec cette lumière toute de gris vêtue, se parent d'une atmosphère un rien mystique. Il fait nuit mais on y distingue les choses et les êtres comme en plein jour. L'allée de pierres se termine par ce qui pourrait ressembler à la petite scène d'un théâtre antique. Les deux promeneurs s'y sont arrêtés sans vraiment pouvoir dire pourquoi. sac à main camel pas cher Alors les mains se touchent puis les bouches, et les deux silhouettes se frôlent, s'enlassent et s'appuient l'une contre l'autre.
La Lune fulmine après cette unique branche qui l'empêche de voir la scène dans sa totalité. Elle qui n'en finit plus de trouver les nuits si longues et si vides, elle écarquille autant que possible les yeux pour ne pas en perdre une miette. De caresses en baisers, il lui semble bien avoir vu quelques étoffes tomber au sol. Mais alors, mais alors .
Parfois cueillis dans l'excitation de l'instant les promeneurs qui n'en sont plus vraiment jettent des regards alertes ou prêtent l'oreille. Mais en dehors de quelques voix lointaines rien n'approche, rien ne se faufile entre les herbes. Pas un mouvement, pas une lueur en dehors de cette Lune si lointaine et pourtant si présente. Rien d'autre que les vêtements gisant à leurs pieds n'a bougé depuis leur arrivée. Ce moment dure. Une durée difficile à quantifier parce que la montre n'est plus vraiment le centre de l'attention. Et puis une fin arrive, toutefois, dans un accord de respirations essoufflées. Alors chacun retrouve dans la pénombre son lot de vêtements qui jonchent l'herbe.
Derrière le léger voile de nuage qui commence à se tisser la Lune s'amuse comme une gamine contente de cette trouvaille venue égayer sa nuit. Elle s'est tant réjouie de voir son reflet joliment pal sur ces peaux tendres et dénudées. Le regard vif et espiègle elle regarde les deux silhouettes qui ont rebroussé chemin et tentent de retrouver les allées menant au parking.
Les promeneurs s'amusent de la situation et rient en scrutant la Lune, soudainement, drapée d'un petit voile. La luminosité du lieu est tombée avec la tension du moment. Il reste néanmoins une douceur rassurante comme un baiser lent et attentionné. Les acolytes regagnent le parking et passent non loin de l'autre voiture. A cet intant précis une nouvelle silhouette apparemment surprise et dérangée se relève en sursaut, fait le tour du véhicule et court se réfugier sur le siège conducteur. Les deux promeneurs ne manquent pas d'en sourire en regagnant, bras sur l'épaule, leur propre carosse.
Il parait même que, là haut, la Lune a trouvé ça très cocasse.
Et la pluie et la pluie et la pluie. Ah si y a un truc qui fait courir ces bandes de feignasses sur les trottoirs c'est bien la peur d'être mouillé.
J'étais presque essoufflé en arrivant à la station de métro.
Avec un regard implorant je peste si efficacement après cette pluie qui s'efforce d'arroser au karcher un peu plus que copieusement les géraniums à l'instant précis où je m'apprête à sortir du métro. Cette façon qu'a le ciel de vouloir en faire des tonnes pour montrer qu'il en a dans le pantalon et que c'est lui qui commande c'est un peu ridicule. Gros bof, va. On signale une douzaine de géraniums noyés Rue du Faubourg Poissonnière. Et deux disparus. Le Grand Rex est mouillé. Les clients qui sortent du Starbucks sont mouillés (bien fait pour eux). Mes pieds sont mouillés (consternation).
Une pause déjeuner de semaine, un détour (humide) pour faire l'acquisition d'une chemise pour un mariage à venir et d'un pantalon parce que la veille j'enviais furieusement celui de mon voisin de canapé et j'avais décidé que ce n'était pas acceptable. Quitte à être ici et mouillé, j'achèterai donc en sus un parapluie. Je connais assez la boutique. Ils ont cette habitude un brin manipulatrice et donc forcément détestable d'y laisser trainer à portée de naseau un parfum maison que j'aime beaucoup. C'est très agaçant, mais pas autant que cette manie de disposer les vêtements avec une logique qui échappe à la mienne. Il y a donc des chemises à cinq emplacements différents dans un espace pourtant pas immense. Ou peut être six.
Je repère près de la caisse le coin des accessoires les ceintures sont toujours forcées de composer avec les chaussettes, ce qui doit être un peu vexant dans lequel je viendrai trouver au moment de partir un parapluie avec une petite remarque tellement pleine d'esprit et d'originalité à l'attention du vendeur "bah oui c'est de saison, hein".

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