Ginny Soskey

Le Gaulois Paris
La nuit était toute froide. Dans le parc du Champ de Mars, les arbres gelés recroquevillaient leurs branches nues de squelettes. Bien que la lune nouvelle fût trop jeune pour se montrer, l'air était limpide et il piquait tout ce qu'il touchait, comme s'il eût été tout traversé d'invisibles aiguilles. Dans le salon chinois, fait de noirs qu'interrompent des ors, sur des fauteuils, sur des chaises, sur des canapés, tièdement, en noir, en vert, en blanc, des femmes sont installées, assises ou appuyées, de qui les bras et les bas en leurs tons égaux dessinent dans tous les sens des lignes de lumière. Qu'elles se posent à la David ou à la Dongen, elles font toutes avec leurs bras, en joignant leurs mains, des figures à cinq pans. Sur la haute cheminée, indifférent aux inquiétudes humaines, se dresse un Bouddha ét, dans le fond d'un autre salon, sur une estrade, un quatuor s'accorde. D'abord insinuantes comme de timides caresses, les mesures se succèdent plus hardies elles s'élancent, se replient en une courbe mutine et rebondissent en avant. J'écoute, obstinément attentif, cette musique claire, si française en ses atours, vraiment écrite par un petit fils de Rameau. J'écoute un poème d'amour balancé dans l'infini, où se jouent les notes ainsi que fleurs dans un Paradou. Blanches ou noires, crochues ou rondes, elles tournoient'et s'affrontent, et s'épanouissent dans l'allégresse. Ce n'est point ici le soir fameux où Musset, fasciné par un cou blanc, délicat , n'écoutait point Molière. Les lignes vivantes des bras de femmes peuvent se disposer en tous sens, mes yeux ne suivent que le poème ardent et subtil, où se dérober et se donner sont les deux motifs éternels. La scène se déroule les deux violons se disent des mots, qui naturellement sont d'amour, et, dans 'cette lumineuse aventure, l'alto se charge des sommets et le violoncelle des profondeurs. vente chaussures femme en ligne
Comme ces mesures en l'ondulation 'de leur course ressemblent bien à des femmes de chez nous On les voit incessamment souples "^éloigner, se tourner, s'approcher, se détourner, se retourner, s'incliner, se relever, s'enfuir. N'y a t il point ainsi par tous pays une corrélation prestigieuse entre la musique et les femmes ? On se plaît à imaginer que l'une est l'expression des autres, sa manifestation impalpable, éthérée. Seulement il 'arrive, selon les temps et les lieux, que parfois elle leur est inférieure, parfois supérieure. De nos jours, dans la France des Debussy, des Ravel et des Dukas, l'équivalence est assez juste. Elle l'est .'aussi pour la Russie de l'exil, où le cur et les manières des femmes se portent à la Borodine et à la Rimsky, beaucoup à la Borodine. En Italie, c'est les Italiennes qui l'emportent sur un Puccini. Quant ;aux Allemandes, leur admirable musique les a, de tout temps, dépassées brutalement et, dans la vie, les Isoldes et les Brünnhildes, les Evas mêmes ne furent due rarement réussies.
Les yeux clos, le front dans la main, à laisser croire à des yeux ouverts que, je m'étais endormi, j'écoutais murmurer le va et vient des choses. Car la musique est une pourvoyeuse magique d'images et d'idées. Le scherzo, sejcôuant des grelots légers, semait des frivolités sentimentales et les enlacements des sons étaient tout poudrés d'or. Comment tant de grâce n'eût elle pas x évoqué des formes féminines, de petites déesses à la Pierné ou de grandes dames à la Vincent d'Indy ? Mais, note par note c'était la femme de Ravel, dans toute la distinction de ses attitudes, fine, longue, palpitante, qui, s'échappant, reyenait toujours et m'environnait d'étin
Maintenant il semble que la. musiqûe s'assourdisse dans une brume de rêve. Un glissement dans la béatitude. Les minutes précieuses de 1 adagio de l' amoroso tomliaient une à une ce qu'on appelle le grand duo dans les drames lyriques, au balcon de Juliette ou sur le banc d'Isolde. Les obstacles sont abolis et les timidités vaincues, les coquetteries s'éteignent, le but s'atteint deux êtres palpitants s'avouent l'un à l'autre, et dans les délices de ne se rien cacher de leur cur, s'abandonnent aux sortilèges de la passion. Mais justement n'est ce point toujours là son essence, sa raison mystique ? La musique nous émeut par son imprécision, par l'absence de ses contours, à la manière des nuages qui ne sont limités par rien, des nuages ondoyants et fugitifs, où vagabonde notre esprit. Et, suivant ma pensée, je me demandais pourquoi les compositeurs au réveil ne recueillent pas leurs rêves. Quelle mine de sujets et que d'imprévu dans une telle poursuite Si je savais écrire sur cinq lignes, que ne retiendrais je pas de ces songes familiers aux horizons fuyants, qui se répè
tent et nous tourmentent de leur tumul i tueuse inconsistance et de leur insistante inexistence ? et j'aurais le thème de la marche dans l'air, le thème de l'abandon, le thème du voyage sans but. Cependant s'agitait dans le finale l'impatience des passions et les attentes et les murmures, les soupirs et les frémissements, les enthousiasmes, s'y résolvaient en un éclat victorieux, un éclat sans vacarme, qui clamait de toutes les 'cordes des quatre violons le triomphe des instants suprêmes. On eût dit que la musique venait de sortir de son enveloppe de rêve. Sur le fond noir et or, cambrées ou penchées, les femmes continuaient le jeu des figures à cinq pans et, de tous côtés, leurs bras et leurs bas traçaient dans l'espace des rais de lumière. Mais, loin d'elles, peut être pour en être plus près, mes yeux regardaient les sons, les poursuivaient dans un impérieux besoin de se mêler à leurs arabesques et à, leurs tourbillons, de pénétrer leur secret. Une secousse, et les archets restèrent en l'air. Le charme était rompu. Dans un brouhaha léger tous les bras se déplacèrent. Les ondes de la musique s'étaient évanouies dans les cieux.
Au dehors il faisait froid, et je m'en suis allé dormir et rêver.
\f Etienne Bricon LA VIE QUI PASSE
LES EXODES D'HIVER Comme chaque âge à. ses plaisirs, chaque heure de gare a son départ. La hantise du beau voyage à faire berce les âmes des jeunes contemporains et les gares avec leur verrière gigantesque, le jeu mystérieux des horaires et les grimaces des sémaphores, devinrent les laboratoires où s'élabore l'idéale évasion. Toutes les races veillent dans les salles d'attente et l'accordéon de l'émigrant italien gémit proche de la jeune Américaine qui fredonne les derniers blues du pays des dollars. Les express chimériques s'échappent vers les quatre points cardinaux emportant des couples épris, des amoureux déchirés par l'absence, des êtres délivrés par la séparation et des financiers activant la poursuite de la fortune illusoire du rythme des bielles. Des colis arrivent du monde entier, marqués aux flancs de ces étiquettes où les noms des plus douces contrées avivent les regrets de celui qui répète, après Jules Romain
J'ai froid
D'être le seul ici qui ne s'en aille pas. Tous les mois apportent leur moisson de voyageurs. Août ramène de virtuelles polynésies nos joyeuses camarades avec des yeux ardents dans des visages bruns et des corps dorés par le soleil comme un brugnon automnal Septembre conduit vers les châteaux des chasseresses rêvant que tous les lapins deviendront chinchillas et cache dans les valises un lièvre aux longues oreilles ou les perdreaux aux pattes rouges. Mais Février reste l'époque des gares élégantes et, durant le mois le plus bref de l'année, coule, entre les berges formées par les wagons immobiles, le flot de nos notoires contemporains.
Les uns, fanatiques de la neige, s'en vont à l'assaut des hautes cimes. Ils prendront, il est vrai, un funiculaire, et ne doutent pas que le chauffage du palace soif^ parfait. Vous les voyez suivre un chariot hérissé de skis comme un char égyptien de faux et sur lequel des sacs aux fermetures énigmatiques s'amoncellent avec un lot de lainages variés. Car la première joie des sports d'hiver consiste .à surgir multicolore sous des tricots inouïs pour lesquels s'épuisa l'arc en ciel, que chaque jour on renouvelle avec l'insouciance d'un parterre printanier.
Inattentifs à ce miracle de bonne humeur que provoque le soleil sur la neige, d'autres préfèrent le voluptueux sortilège de la lumière sur la mer et le frisson des premières fleurs. Les mains libres, le cur déjà au ralenti, ils gagnent leur compartiment et se préparent à s'endormir pour ne rouvrir les yeux que sur l'étang de Berre, qu'auréole l'aurore. Robes claires et vestons gris, rocking chair et boissons glacées, des voiles qui ne semblent créés que pour virer devant, les caps, des fruits qui durent mûrir confits, des oranges qui deviendront en. grossissant des lanternes vénitiennes et tous les idiomes de la terre qui se mueraient en provençal si le pêcheur flânant sur le mole et la bouquetière à la démarche preste voulaient s'en donner la peine. Se sont des semaines de ,vie heureuse qui s'écoulent. Puis, lorsque Février marquera son vingthuitième jour, comme un ancien réserviste, le double flot traversera de nouveau la gare. Ils parleront boules de neige ou mandarines. Des automobiles voraces les entraîneront et ils réapprendront en quelques minutes que, de la Bourse à l'Etoile, il y a place pour tous les plaisirs et toutes les souffrances, tous les soucis et tous. les d,ésennuis, mais qu'on laisse sur les pentes blanches le rire franc qu'anime la brise et, près de la mer paresseuse, le sourire paisible et induisent.
Luclerr Fâr noux Reynauâ
Le cabinet de M. Tardieu
Le ministère de l'intérieur communique la note suivante
M. Plutas, inspecteur général des services administratifs près le ministère de l'intérieur, directeur du cabinet de M. André Tardieu, ayant dû, pour raison de santé, demander d'être remplacé dans ses fonctions, le ministre de l'intérieur a désigné à cet effet M. Henry Regnaut, préfet de l'Allier, qui prendra possession de son poste lundi prochain.
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Le nouvel incident germano polonais L'arrestation de M. Otto Ulitz, président du Volksbund allemand de HauteSilésie, inculpé par les autorités polo naises de menées contre la sûreté de l'Etat, a suscité une explosion de fureur en. Allemagne. chaussures femme classe ' Plainte a été immédiatement portée à Genève par le gouvernement allemand. M.
Les 1,250,000 Polonais vivant. en territoire allemand et qui n'ont qu'un nombre infime d'écoles primaires et peu, sinon point, de représentants au Reichstag, constituent aux yeux de l'Allemagne des éléments parfaitement assimilables. En revanche, les 900,000 Allemands de Silésie, de Posnanie et de Poméranie polonaises, qui bénéficient d'un millier d'écoles, lycées ou universités., Qù l'enseignement est donné en allemand, et qui sont représentés au Parlement pplonais par. vingt cinq dé putés ou sénateurs, ne peuvent être que les victimes d'une intolérable tyrannie. Telle est la logique du Reich, obstiné à considérer la Pologne comme un Etat' non viable, destiné à disparaître un jour ou l'autre et qui ne saurait avoir aucun droit de contrôle sur les organisationspangermanistes, dont les intrigues tendent à rendre impossible la vie politique, économique et sociale en territoire polonais.
Le gouvernement allemand sait fort bien que ses thèses sur les minorités ne sont valables ni en droit ni en fait et que ses revendications ne peuvent être examinées que dans le cadre des traités, dont aucune clause ne stipule que l'Allemagne pourra se faire la tutrice de groupements ethniques et culturels constituant chez ses voisins de petits Etats dans l'Etat. C'est à cela que s'emploient les fonds secrets de la propagande allemande, qui masque de prétextes linguitisques et culturels des buts nettement politiques. L'incident Ulitz, en Haute Silésie, se relie par une chaîne mystérieuse d'intrigues et de corruptions aux menées allemandes en Alsace Lorraine. M. Stresemann, qui escompte encore d'appréciables bénéfices de Locarno et de Genève, est bien trop habile pour laisser transparaître l'influence germanique dans nos provinces recouvrées. Il se sent les mains plus libres du côté de la Pologne, dont toutes les tentatives de rapprochement et d'accord avec l'Allemagne ont été mises en échec par la mauvaise volonté allemande.
Le conseil de Genève aura le devoir de parler net et clair sur l'irritante affaire des minorités dont le Reich entend se servir comme d'une machine de guerre. parti, hier matin, d'Orly pour entreprendre le raid Paris Saïgon par Istres, Alep, Bassora, Karachi, Allahabad et Bangkok. Après un ultime essai d'une demi heure, les aviateurs reviennent se poser devant leur hangar.
L'essai étant satisfaisant, il ne reste plus qu'à faire le plein sept cents litres d'essence, cent litres d'huile, et le gros oiseau blanc, le Bernard, s'envole. Il est midi 50. 1 Les aviateurs s'arrêteront à Istres, où ils ne resteront que deux heures environ. Marseille, 16 février.

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